L’identité professionnelle en questionS - L’identité professionnelle à l’aune des mutations des pratiques métiers

L’identité personnelle est une notion complexe qui englobe plusieurs aspects et rend chaque personne unique. Elle inclut des éléments variés comme les caractéristiques physiques, les expériences de vie, les croyances et valeurs, les relations sociales. Elle entretient des relations étroites avec la personnalité.
L’identité professionnelle quant à elle se réfère à la manière dont une personne se perçoit et est perçue dans son contexte professionnel. Elle se structure à partir de nombreux éléments comme les compétences et qualifications, les expériences professionnelles, les valeurs et l’éthique de travail, ainsi qu’à partir du rôle et de la position hiérarchique ou encore des relations professionnelles. Elle est évidement en lien avec l’identité personnelle.
Du point de vue des Sciences du travail, il est nécessaire de distinguer des notions clés comme « métier » et « profession », en particulier lorsqu'on aborde l'identité professionnelle. En effet, celle-ci repose en grande partie sur le sentiment d'appartenance à une profession et sur la construction identitaire de l'individu, mettant en lumière la dimension de l'« être » plutôt que celle du « faire ».
Ainsi, l’identité métier peut se comprendre comme plus spécifique que l’identité professionnelle. Elle se concentre sur les caractéristiques et les compétences liées au métier. Elle inclut notamment les compétences techniques, les connaissances spécialisées comme les informations et les théories propres à un domaine particulier, les pratiques et méthodes couramment utilisées dans un métier, mais elle comprend aussi la culture du métier, les pratiques in situ.
Il peut naître des tensions importantes entre ces deux approches de l’identité. Ainsi, des conflits peuvent survenir entre l’identité professionnelle et l’identité métier notamment lors du développement personnel, de l’évolution de la carrière, de l’évolution des attentes organisationnelles ou encore de l’évolution des valeurs dominantes.
Cette journée sera l’occasion de nous interroger sur ces dynamiques dans les contextes de métiers singuliers: ceux du journalisme, du travail du sexe, de la police et de la sécurité, des soins aux personnes ou encore de l’enseignement supérieur.

Infos

  • Mardi 22 octobre 2024
    8h30 - 17h00
  • Bâtiment Maçonnerie
    Campus UCharleroi
  • Le Colloque est organisé par le Centre de recherche en psychologie des organisations et des institutions de la Faculté de Psychologie, des Sciences de l’éducation et de Logopédie de l’ULB, en partenariat avec l'UMons.
  • Contact : secret.cerepoi@ulb.be

Inscription

Programme

Séance plénière
  • 8h30 - Accueil
  • 9h00 - Ouverture du colloque
    Michel Sylin (ULB)
  • 9h15 - L’identité professionnelle dans les métiers du care en Belgique: quelle construction identitaire chez les femmes d’origine étrangère dans un secteur en crise?
    Orchidée Doudy-Michez (ULB)
  • 9h35 - Que reste-t-il de l’identité professionnelle des journalistes ? Le cas des journalistes des télévisions locales belges francophones
    Lorrie D’Addario (UMons/ULB)
  • 9h55 - Pause café
  • 10h15 - « Quand je serai grand, je serai policier ». Regards sur l’identité policière, entre voies d’entrée plurielles et socialisation professionnelle
    Vincent Seron (ULiège)
  • 10h35 - L’identité professionnelle : un concept pour approcher les pratiques des enseignants universitaires
    Stéphanie Bridoux (UMons)
  • 10h55 - Pute, un métier comme un autre ?
    Renaud Maes (UMons)
  • 11h15 - Questions/réponses et conclusion
    Jean Vandewattyne (UMons)
Lunch (12h15 - 13h45)
Ateliers
  • 13h45 - Atelier 1 : Les métiers de l’accompagnement
    Orchidée Doudy-Michez / Kamal Bourhidane
  • 13h45 - Atelier 2 : Reconnaissance légale, affirmation de soi et travail du corps. L’identité professionnelle travailleurs et les travailleuses du sexe
    Renaud Maes
  • 15h00 - Pause café
  • 15h30 - Atelier 3 : L’identité professionnelle des agents de gardiennage et des policiers : Dr. Jekyll vs M. Hyde?
    Vincent Seron / Laurent Stas
  • 15h30 - Atelier 4 : L’identité professionnelle des enseignants-chercheurs : quel impact sur les apprentissages des étudiants?
    Stéphanie Bridoux / Ariel Rabat
  • 16h45 - Conclusion

Intervenant·es et résumés

Stéphanie BRIDOUX

Plénière : L’identité professionnelle : un concept pour approcher les pratiques des enseignants universitaires
Dans cette communication, nous étudions l’identité professionnelle des enseignants universitaires en prenant en compte la double dimension de leur métier d’enseignant-chercheur (EC), à savoir l’enseignement et la recherche. Dans ce contexte, nous présentons une étude pluridisciplinaire dans laquelle nous avons mené des entretiens avec des EC en chimie, géographie, mathématique et physique pour analyser comment leurs pratiques enseignantes (déclarées) sont impactées par leur métier de chercheur. Ce travail montre des régularités dans les normes, les qualités et les valeurs assignées au métier d’enseignant-chercheur mais elle révèle aussi certaines tensions dans l’exercice de ce métier.

Atelier : L’identité professionnelle des enseignants-chercheurs : quel impact sur les apprentissages des étudiants?
Dans cet atelier, nous aborderons la question complexe des liens entre « ce qui s’enseigne » et « ce qui s’apprend » dans le contexte de l’enseignement universitaire. Dans un premier temps, les participants analyseront des extraits d’entretiens menés avec des enseignants-chercheurs, ce qui nous permettra  de mettre en évidence certaines dimensions de leur identité professionnelle telles que la représentation de leur discipline, les valeurs associées à l’exercice de leur métier,… Nous mettrons ensuite en relation ces éléments liés aux pratiques déclarées des enseignants-chercheurs avec le vécu de leurs étudiants en nous appuyant sur des questionnaires qui leurs ont été proposés à l’issue d’un cours.

Lorrie D’ADDARIO

Plénière : Que reste-t-il de l’identité professionnelle des journalistes? Le cas des journalistes des télévisions locales belges francophones
Notre communication vise à interroger les liens entre identité professionnelle et identité métier pour le groupe professionnel des journalistes locaux dans un contexte qui tend à se fragiliser : difficultés financières, remise en cause des télévisions locales belges francophones, situation managériale changeante. Elle trouve sa source dans notre recherche doctorale en cours qui porte sur l’étude de la polyvalence au sein des télévisions locales belges francophones, menée dans une perspective interactionniste. La polyvalence nous permet en effet d’étudier comment le journalisme local et ses pratiques évoluent dans le contexte particulier de télévisions locales. Regarder ce qui fait polyvalence, explorer ses formes, les manières dont elle se manifeste dans les situations de travail et la façon dont elle est perçue et vécue (Prunet, 1999 : 237) ouvre dès lors la voie à l’émergence d’une multitude d’enjeux, notamment identitaires.

Nous inscrire dans la perspective de considérer le journalisme comme un “monde social” invite à le prendre en compte en tant que pratique collective (Le Cam, Pereira & Ruellan, 2019 : 2) au sein de laquelle une variété d’acteurs “mettent du leur” (Pereira et al, 2018 : 102). Journalistes, cameramen, réalisateurs, rédaction en chef, directions, sont alors autant d’acteurs au sein du média qui coopèrent à l’œuvre collective (l’information) (Becker, 1988 : 364 et Charron, Damian-Gaillard & Travancas 2014 : 7).
Nos terrains de recherche et nos observations ont montré que la place de la rédaction, longtemps considérée comme le pilier central au sein d’un média, “lieu par excellence de la spécificité de l’entreprise” (Ringlet et al., 2002 : 103) tend à se fragiliser, notamment en raison de bouleversements managériaux récents, qui remettent en cause l’idée selon laquelle le journalisme “appartient majoritairement aux journalistes” (Charron, Damian-Gaillard et Travancas, 2014 : 7). En effet, les changements managériaux amplifient l’injonction à la polyvalence et les discours des directions viennent remettre en question à la fois le rôle central de la rédaction et ainsi que celui des journalistes sur la production de l’information. C’est ainsi le savoir-faire spécifique des journalistes qui est remis en question et in fine, leur identité métier, relative aux “caractéristiques de la profession” ainsi qu’aux “compétences dans l’activité de travail” (Fray et Picouleau, 2010 : 38).

De ce fait, nous tenterons de répondre à ces questions : dans quelle mesure et comment ces changements intervenant dans l’identité métier bouleversent l’identité professionnelle des journalistes ? Comment ces derniers y réagissent-ils et le vivent-ils ? Et comment se sentent-ils par rapport à leur appartenance au groupe professionnel alors que l’identité métier d’autres groupes professionnels est elle aussi, en train de changer ?

Pour répondre y répondre, nous nous fonderons sur une méthodologie qualitative, alliant entretiens avec des journalistes issus de nos deux terrains de recherche menés au sein de deux télévisions locales belges francophones et observation directe. Celle-ci nous aura permis de “voir les acteurs en situation et de saisir les pratiques sociales en temps réel” (Arborio, 2007 : 26). Notre analyse mobilisera dès lors des éléments tirés de nos périodes d’observation.

Enfin, la notion d’identité professionnelle relative aux journalistes a spécifiquement fait l’objet de travaux dans la recherche sur le journalisme, ces derniers étant souvent centrés sur l’identité professionnelle des journalistes en tant que groupe.  Sans viser l’exhaustivité, nous pouvons épingler Ruellan (2007 : 200) qui évoque “les qualités dynamiques propres au groupe”. Le Cam (2005 : 37) a quant à elle travaillé “la forme identitaire du groupe des journalistes”. Le Cam, Ruellan et Pereira (2019) ont également montré la diversité des courants de recherche sur l’identité professionnelle des journalistes et invitaient d’ailleurs la recherche à s’intéresser “aux nouvelles formes organisationnelles” (2019 : 6).

Notre apport particulier vise à considérer les récentes évolutions managériales observées au sein des télévisions locales ainsi que leurs répercussions sur l’identité professionnelle au sein du groupe spécifique des journalistes locaux.  Il nous invite à interroger le lien entre l’identité métier et l’identité professionnelle de ces derniers, dans la perspective singulière de considérer les changements de leur identité professionnelle, en tant qu’individus, et leur attachement vis-à-vis du groupe.

Orchidée DOUDY-MICHEZ

Plénière : L’identité professionnelle dans les métiers du care en Belgique: quelle construction identitaire chez les femmes d’origine étrangère dans un secteur en crise?
Si l’identité professionnelle reste une notion complexe, elle est fondamentale pour nous éclairer, d’une part, sur la façon dont les individus caractérisent et considèrent leur activité professionnelle et, d’autre part, sur les mécanismes qui interviennent dans la construction de cette identité professionnelle. Celle-ci se structure autour de trois processus identitaires clés : l’identification, la reconnaissance et la capacité subjective.

L’analyse de ces mécanismes dans les métiers de soins permet de mettre en évidence les paradoxes auxquels les femmes d’origine étrangère, et notamment les femmes noires, se trouvent confrontées dans leur parcours d’insertion professionnelle.

En outre, chez les femmes noires d’origine étrangère, il est intéressant d’étudier l’identité sociale, qui est une composante de l’identité professionnelle, car il y a des dynamiques transactionnelles relevant de processus tant biographique que relationnel qui définissent leur posture identitaire professionnelle. Se questionner sur les identités qui sont les plus prégnantes pour elles (vis-à-vis de soi, héritée, pour autrui, etc.) permettrait de mieux appréhender ce qui nourrit leur identité professionnelle dans le contexte de crise des soins de santé.

De fait, la faible attractivité, le manque de reconnaissance, les stéréotypes négatifs et les changements technologiques fragilisent les identités professionnelles dans le secteur du care en Belgique. Comment leurs dynamiques identitaires s’articulent-elles ?

Quelles sont les pistes de réflexion et d’action à envisager pour construire et/ou préserver leur identité professionnelle ?

Atelier :
L’atelier aura pour objectif de proposer des outils de réflexion (individuelle et collective) axés sur les stéréotypes et les auto-stéréotypes attribués aux femmes noires dans la sphère socioprofessionnelle en Belgique.

Il s’agira en outre de questionner les aspects touchant aux caractéristiques du marché du travail bruxellois, à l’ethno-stratification des emplois et aux dispositifs d’insertion socioprofessionnelles.

Ces différents facteurs sont essentiels pour appréhender la manière dont, dans notre société, les identités professionnelles des femmes noires peuvent se construire ou être fragilisées.

Renaud MAES

Plénière : « Pute, un métier comme un autre ? »
Enquête sur l’identité professionnelle dans les activités prostitutionnelles La désignation des activités prostitutionnelles comme « travail du sexe » est un classique des polémiques scientifiques et politiques (Jeffreys, 1997 ; Comte, 2010 ; Lerum & Brents, 2016). D’un côté, l’étiquette « travail du sexe » permettrait d’éviter les connotations socialement dévalorisantes du terme « prostitution » (Pheterson, 1986, 1993) et favoriserait l’agentivité des « travailleurs·euses du sexe » (TDS) (Leigh, 1997). D’un autre côté, cette même étiquette ignorerait les spécificités des activités prostitutionnelles (Jovelin, 2011) et négligerait voire légitimerait les rapports de domination dans laquelle elles s’inscrivent et qu’elles renforcent (Pape, 2017). En Belgique, le législateur fédéral a opté récemment pour une « décriminalisation » et la possibilité d’une contractualisation qui tend à construire effectivement certains types d’activités prostitutionnelles comme « travail du sexe ». Cette législation permettrait de la sorte de « sortir de l’ombre » les activités prostitutionnelles et surtout, celles et ceux qui les exercent (André et al., 2022). Pour autant, la structuration légale ne se fait pas sans heurts, notamment lorsqu’il s’agit de discuter des risques spécifiques à ce « travail » ou encore de l’adhésion des TDS à une commission paritaire. La littérature ne s’est que peu arrêtée sur ce que les personnes concernées disent elles-mêmes de l’étiquette « travailleur·euse du sexe », hors de cadres militants. Or, d’une part, la multiplicité des situations prostitutionnelles et la structuration des activités prostitutionnelles en un véritable champ – avec des rapports sociaux, des hiérarchisations, des dynamiques singulières – (Van Haecht, 2019) impliquent que l’on ne peut négliger des « zones de tension » entre les discours des personnes prostituées et, d’autre part, les témoignages de TDS militant·es montrent souvent des ambigüités entre recherche de reconnaissance et volonté de « maintenir une part d’ombre » (« Jasmin », 1993). Notre contribution consistera justement à partir de témoignages de personnes prostituées et de travailleurs·euses du sexe, qui questionnent leur rapport à l’activité et, plus fondamentalement, la possibilité pour ces témoins d’y construire des formes identitaires. Dans une approche inspirée de Dubar (1991), nous questionnerons en particulier la possibilité d’émergence d’une « identité professsionnelle » de « travailleur·euse du sexe », construite comme « identité pour soi » (incorporée) et comme « identité pour autrui » (assignée), dans le contexte des transformations du secteur et de la décriminalisation. En particulier, nous nous intéresserons aux moteurs de l’affirmation identitaire comme acte performatif, signalant une forme d’appartenance collective (Larouche & Legault, 2003).

Nous discuterons des éléments structurants de cette « identité professionnelle émergente » et mettrons en évidence trois paradoxes qui impliquent d’interroger les fondamentaux du rapport au travail mais aussi de l’approche sociologique « classique » de l’identité professionnelle, fondée sur les organisations et les normes institutionnelles.

Atelier :
L’atelier repart de la question de l’institutionnalisation d’une activité, des processus de reconnaissance légale, pour interroger ses effets en termes d’identité professionnelle : quels sont les impacts et les limites de ces mécanismes de reconnaissance et de cadrage d’une activité jusque-là marginale ? L’idée est d’amorcer une réflexion collective sur trois dimensions : (1) Le rapport particulier qu’entretiennent les luttes pour la reconnaissance avec l’affirmation d’une identité professionnelle ; (2) L’inscription de l’identité professionnelle dans sa dimension incarnée, ce que « le travail fait au corps » et ce qu’implique la structuration d’une activité sur les « manières de vivre » ces effets sur les corps, (3) Les tensions entre le « secret » et les processus initiatiques comme fondements d’une affiliation à la « composante communautaire » de l’identité professionnelle et la « mise en lumière » par le cadrage légal et institutionnel comme fondements de la possibilité d’une auto affirmation identitaire.

Vincent SERON

Plénière « Quand je serai grand, je serai policier ». Regards sur l’identité policière, entre voies d’entrée plurielles et socialisation professionnelle
Normes, représentations sociales, organisation, pratiques, valeurs, sont autant d’éléments de nature à influencer la perception que les policiers ont d'eux-mêmes et de leur rôle dans la société. Nous explorerons comment cette identité se construit et évolue, notamment au travers des motivations plurielles à devenir policier, de la formation initiale, de l'expérience de terrain ou encore des interactions avec le public.

Atelier (Vincent SERON et Laurent STAS) : L’identité professionnelle des agents de gardiennage et des policiers : Dr. Jekyll vs M. Hyde ?
Dans cet atelier, nous nous intéresserons aux identités professionnelles croisées de deux acteurs majeurs du champ de la sécurité : les agents de gardiennage et les membres du cadre opérationnel policier. Complétude des rôles vs compétition, confiance vs défiance des citoyens, légitimité vs illégitimité, prévention vs répression, marchandisation de la sécurité vs service (au) public… Tout semble, selon d’aucuns, opposer les uns aux autres. Mais qu’en est-il réellement ? Quels sont les points de dissonance et de convergence de ces deux catégories d’acteurs, comment ces identités professionnelles s’influencent-elles réciproquement ? Voici quelques-unes des interrogations auxquelles nous tenterons de répondre avec votre collaboration.

Mis à jour le 8 octobre 2024